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Bonjour à tous
L’eau tombée en abondance en avril et début mai ne semble déjà plus qu’un souvenir. Aidée par la bise, elle s’est rapidement évacuée par voie sousterraine ou évaporation.
Maintenant que nous avons enfin pu planter et semer, ce précieux liquide se fait désirer et il faut jongler avec les gouttes à gouttes et la faible pression disponible dans notre fond de vallon (les surpresseurs qui assurent l'approvisionnement sur le réseau de Cuarny se trouvent hélas après notre ferme).
Malgré cela, l’un dans l’autre les travaux avancent, le plan des cultures s’étoffe.. Sans pluie, les mauvaises herbes ne germent pas non plus et l'absence de millet en cette fin de mai nous convient aussi. Les altises (petits insectes noirs qui transforment les feuilles de choux et autres plantes en dentelle) sont en revanche particulièrement voraces. Les plants de brocoli n’ont pas bonne mine et l’amarante rouge en est envahie - mais du coup les choux voisins sont indemnes - il faut croire que les feuilles d’amarante sont meilleures que celles des choux.
«Dieu donne et Dieu reprend» nous enseigne la bible… Lorsque l’État essaie de faire sien ce privilège divin, il se heurte généralement à de vives protestations. Ici bas, c’est plutôt la maxime «donné c’est donné, repris c’est volé» qui fait force de loi.
Depuis un peu plus d’un demi siècle, l'industrie phytosanitaire a mis à notre disposition pléthore de pesticides et engrais de synthèse facilitant grandement le travail, tout en augmentant les rendements. Ce qui pourrait sembler trop beau pour être vrai s'est concrétisé - en apparence du moins - durant des dizaines d’années avant qu’on ne s’apercoive que cela ne le sera pas pour toujours. Enfin, est-ce qu’il y a vraiment lieu de faire tout un plat d’un peu de chlorothalonil dans notre eau de boisson, de glyphosate dans notre pain quotidien ou d’antibiotiques dans nos nuggets ?..et puis les scientifiques vont bien réussir à fabriquer quelques nano-robots pour polliniser les fleurs; ou mieux: de plantes transgéniques qui se passeront d’insectes pollinisateurs.. Bref, même si aujourd’hui certains risques et dégâts sont avérés, toute nouvelle interdiction d’un produit est considérée comme un affront inacceptable, un retour à l’âge de pierre.
Ces jours les agriculteurs sèment le maïs.. Depuis l’interdiction des enrobages des graines avec des insecticides et produits anti-corvidés (protection contre les corbeaux et corneilles qui aiment se délecter des grains de maïs en germination) la prudence est de mise pour le choix du sujet lors des small talks au bord du champ…
Mais le problème ne concerne bien évidemment pas que l’agriculture. Il en va de même des facilités pour voyager, d'une dépendance croissante à une technologie en constant développement, d’un pouvoir d’achat sans cesse grandissant, bref de tout ce qui est communément appelé «progrès». Même si au fond on sait aujourd'hui que ce progrès passe par une péjoration de la vie d’autres peuples, celle de nos générations futures et met en péril l’équilibre climatique et la biodiversité à échelle planétaire, la "décroissance" parait inconcevable et personne n'ose sérieusement remettre en question le principe de la fuite en avant...
Comme pour les compagnons d’Ulysse sur l’ile des Lotophages, facilité, confort et opulence engendrent une addiction sociétale bien vite adoptée, nous faisant oublier notre passé, nos convictions profondes et nos idéaux. Mais où est donc Ulysse pour nous ramener sur le droit chemin ?
Pas de fleurs de lotus dans votre panier, mais des fleurs d'oignons, de ciboulette ou des bourgeons de poireau (hélas aucun antidote contre les maux de notre siècle... mais peut-être de quoi préparer de bons petits plats pour oublier momentanément vos soucis quotidiens)
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